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08 February 2013

Le billet de Petite Classique

by Philharmonie Luxemburg

La musique classique doit-elle encore compter sur la télévision ?

(février 2013)

Le 25 février prochain aura lieu la 20e édition des «Victoires de la Musique Classique» sur la chaîne de télévision France 3. Dès le lendemain, beaucoup attendront les chiffres. Les chiffres, les chiffres... Oui, malheureusement, mais aussi « logiquement » vous diraient les financiers, ce sont eux qui donnent droit de vie ou de mort aux programmes de nos médias.

Quelle piteuse part d’audience la musique classique pourra-t-elle encore atteindre cette année ? Ce n'est pas moi qui le dis. À en croire ses «mauvais résultats», le classique n'intéresse plus grand nombre de téléspectateurs. Les Victoires de la musique classique avaient occupé moins de 5% de l'audience en 2012 avec 1,2 millions d’auditeurs. La part d'audience atteignait 6,7% en 2011 avec 1,5 millions de spectateurs.

Mais qui écoute de la musique classique, au juste ? Un sondage de 2010 de l’institut Opinion Way pour la Sacem demandait à un panel représentatif des Français de plus de 15 ans quels étaient leurs trois genres préférés de musique. Le classique arrive en deuxième position, cité par 34% des personnes interrogées, au même titre que les variétés internationales. Ce taux atteint 43% de réponse pour les 50-64 ans et 66% pour les plus de 65 ans, plaçant la musique classique en tête des préférences musicales de cette tranche d’âge. En revanche, elle est absente des choix des jeunes de 15 à 24 ans.

« On se met au classique plus tard, disait récemment le violoniste Renaud Capuçon. Vous ne voyez pas de personnes âgées aux concerts de rock et personne ne s’en plaint. »

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Soit. Actons le fait que les auditeurs et téléspectateurs de musique classique sont majoritairement des personnes d’âge mûr et que le jeune public y viendra naturellement plus tard. Mais comment ?

Les auditeurs actuels de musique classique ont grandi à une époque où le répertoire classique n’effrayait encore aucun média et où de grands journalistes spécialisés comme Eve Ruggieri ou Alain Duault se partageaient les horaires de grande écoute de TF1, d’Antenne 2 ou de France 3 et vadrouillaient sur les grandes ondes de RTL et de France Inter. Le classique ne leur est dès lors pas étranger et ils ont très certainement plaisir à le réentendre aujourd’hui.

La musique classique peut-elle aujourd’hui encore compter sur la télévision pour renouveler son public ? Selon le sondage d’Opinion Way, la télévision demeure le second moyen privilégié de recommandation musicale  avec 58% des résultats, continuant notamment d’influencer 47% des 15-24 ans ! Si la télévision attache encore quelque importance à sa mission éducative, elle ferait bien de garder cette étude en mémoire.

Car quelles chaînes généralistes promeuvent encore aujourd’hui le répertoire classique ? En dehors des quelques retransmissions de concerts et d’opéras privilégiés (Chorégies d’Orange, Festival d’Aix en Provence ou Concert du Nouvel An) et des émissions ad hoc, pas facile de trouver une émission de musique classique à une heure de grande écoute. Les amateurs du genre devront attendre minuit passé pour les Musiques Classiques de France 3, ou pire, 4h du matin pour assister aux quinze minutes des Matinales de la chaîne. TF1 jouait elle aussi la carte des nocturnes en proposant quelques concerts de l’Ensemble vocal de l’Ain aux alentours de 3h10...(*)

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Le genre classique ferait-il fuir la jeunesse ? Je ne crois pas. J’étais la semaine dernière à la Folle journée de Nantes, et si je ne devais retenir qu’une chose, je vous dirais : les enfants. Rendez-vous compte. Neuf-mille scolaires y sont venus cette année. Sans compter les enfants venus accompagnés de leurs parents ou de leurs grands-parents. Et à les entendre, les concerts classiques sont franchement chouettes. La différence avec les autres événements du genre ? L’absence de sacralisation et la proximité des artistes. Mais ce virage semble encore difficile à prendre pour grand nombre de salles et d’événements consacrés au genre, dont le format reste le même depuis des décenniés. Et c’est bien là le problème. Les émissions de musique se ressemblent toutes, d’après 61% des Français. Il ne reste qu’aux médias de faire avancer les choses.

Changeons de regard sur la musique classique. Elle fait partie de notre culture. Vous l’aimez dans les films, vous l’aimez dans les pubs et vous l’aimez même au concert. Il n’y a aucune raison pour que vous ne l’aimiez plus sur les médias traditionnels. La musique classique se regarde comme elle s’écoute et elle a encore toute sa place sur nos ondes. Il suffit simplement de la faire entrer dans notre siècle.

 

 

(*) Notez que la chaîne obtient de bonnes statistiques en termes de retransmission de « vidéomusiques » classiques. Comment ? En diffusant plus de 300 fois trois des clips musicaux du trio Les Prêtres, un ensemble lyrique qu’elle produit via son label TF1 Musique, classé sous le registre classique, mais qui donne en réalité bien plus dans la variété française... Passons.

(**) L’âge médian n’est malheureusement pas donné.

 

Le point de vue exprimé par Petite Classique ne reflète pas forcément le point de vue de l'Etablissement public Salles de Concerts Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte